Les flux d’eau sur le territoire

Le calcul des flux d’eau à l’échelle de chaque territoire peut s’appuyer sur des données en accès libre fournies par Météo France : les données SAFRAN-ISBA-MODCOU (SIM) . Ces données permettent de fournir un historique des flux nous intéressant : les précipitations, l’évapotranspiration, l’infiltration (recharge des nappes) et le ruissellement. Elles sont issues d’une approche combinant des observations locales (issues de stations météorologiques) et, surtout, des modélisations numériques effectuées à travers une chaine d’étapes :

1. Une analyse SAFRAN (Système d’Analyse Fournissant des Renseignements Atmosphériques à la Neige) fournit une homogénéisation de différents paramètres atmosphériques (précipitations, températures, …), de manière à avoir des données continues et cohérentes dans l’espace et le temps (comparativement aux mesures ponctuelles et locales de stations météorologiques).

2. Les paramètres atmosphériques sont ensuite utilisés pour alimenter des modèles intégrant certaines caractéristiques physiques locales (relief, couverture des sols, structure du sol…) : le modèle Interaction Sol-Biosphère-Atmosphère (ISBA) ‒ simulant les échanges d’eau et d’énergie entre l’atmosphère et le sol ‒ puis le modèle hydrogéologique MODCOU ‒ permettant de coupler les éléments de surface et les écoulements souterrains. Cette chaine d’analyse permet ainsi de mesurer les bilans d’eau (infiltration, évapotranspiration et ruissellement) à l’échelle de chaque territoire.

Ces données sont ensuite fournies pour l’ensemble du territoire national à une résolution de 8 x 8 km (grille SAFRAN).

Ces données brutes ont été compilées sous forme de cartographies permettant d’observer l’évolution de chaque paramètre entre 1958 et 2024 suivant une moyenne glissante de 10 ans (Figure ci-dessus) . Ces cartographies permettent ensuite de zoomer sur les territoires ciblés (soit directement à l’aide de la souris, soit à l’aide des outils de visualisation situés en haut de la page). Pour cela, les limites départementales ont été intégrées afin de faciliter la navigation. Outre la légende colorée, il est également possible d’obtenir la valeur exacte de chaque paramètre en arrêtant le pointeur de la souris sur la maille (pixel de 8 x 8 km) correspondant au territoire ciblé. Dans le cas de bassins-versants couvrant des territoires plus larges qu’un seul pixel de 8 x 8 km (ce qui est généralement le cas), il est alors nécessaire d’estimer une valeur moyenne (ou tout du moins d’identifier les valeurs minimales et maximales sur le territoire).

Enfin, il est possible d’observer l’évolution des différents flux au cours du temps (sur les 65 dernières années) en faisant glisser le curseur situé au bas de chaque cartographie (sur la Figure ci-dessus, le curseur est positionné sur la période 2010-2020). La période 1958-1970 correspond à la valeur présentée par défaut au chargement de chaque cartographie. Afin de connaitre la situation actuelle, il est alors nécessaire de déplacer le curseur sur la période 2010-2020 (pour avoir une décennie complète) ou 2015-2024 (pour avoir les données les plus récentes).

Les précipitations

Les cartographies fournies renseignent sur le cumul moyen (en mm) de précipitations observées chaque année suivant les territoires (tous types de précipitations confondus : pluie, neige, grêle…) . La moyenne est faite par période glissante de 10 ans. Elle permet de comparer les quantités d’eau reçues en fonction des territoires et en fonction du temps. Par exemple, à l’échelle nationale, il tombe en moyenne autour de 500 mm de précipitations par an à Perpignan, contre 1500 mm à Biarritz. Il est ensuite possible de zoomer sur un territoire particulier afin de faire ressortir ses spécificités. À titre d’exemple, dans le cas du département des Pyrénées Atlantique (Figure ci-contre), il est ainsi possible d’observer que le territoire présente de forts contrastes du fait de sa géographie (relief, proximité avec l’océan…). Si, en moyenne, il pourrait sembler tomber autour de 1500 mm de précipitations par an sur le territoire, en réalité le cumul annuel moyen oscille entre 1100 mm au nord-est du département, 1500 mm sur la côte basque à l’ouest, et jusqu’à plus de 2000 mm au niveau des massifs montagneux situés au sud. Au sein de l’outil Trajectoire Eau et Territoire, ces cumuls de précipitations sont ensuite représentés sous la forme de 100 cubes bleus, de manière à pouvoir ensuite faire des pourcentages (section suivante).

Les chemins possibles pour l’eau issue des précipitations

Quel que soit le territoire ciblé, les précipitations annuelles suivent trois chemins possibles : (1) l’évapotranspiration, (2) le ruissellement, et (3) l’infiltration (recharge des nappes). Sur certains territoires, une partie est également stockée dans le manteau neigeux (cet aspect est abordé plus en détail dans une autre section), mais en fin de compte il s’agit juste d’un décalage dans le temps de ces trois chemins. Ainsi, les cartographies proposées pour cette catégorie visent à représenter la proportion annuelle moyenne de précipitations qui alimentent chaque chemin possible, permettant de comparer les différents paramètres (ainsi que les territoires) entre eux.

Par exemple, l’évapotranspiration, bien que captant généralement de 50 à 70 % des précipitations annuelles sur une majorité des territoires, peut également varier beaucoup plus dans certains cas particuliers. Une proportion plus faible (captant de 30 à 50 % des précipitations) est tout particulièrement observée sur les massifs montagneux (Alpes, Pyrénées, Massif central, Vosges, Jura, Morvan, Monts d’Arrée…). En effet, les possibilités d’évapotranspiration au sein de ces zones sont nécessairement plus faibles qu’en plaine du fait : (1) d’un climat plus frais, (2) de la présence d’une végétation transpirant moins (prairies de montagnes, forêts de conifères…), combiné à (3) une plus forte abondance de surfaces minérales (roches, falaises, pierriers…), ainsi que la présence de relief favorisant le ruissellement. À l’opposé, une proportion bien plus importante (captant de 70 à plus de 90 % des précipitations) est observée dans des zones cumulant à la fois de faibles quantités de précipitations et des fortes possibilités d’évapotranspiration (climat chaud, présence de végétation…) : zones de plaines (vallée de la Loire, plaine d’Alsace, vallée de l’Allier, Midi toulousain…) et/ou du bassin méditerranéen.

L’infiltration est, quant à elle, inversement proportionnelle aux tendances observées pour l’évapotranspiration : les zones où les précipitations s’infiltrent le plus sont situées là où les proportions d’évapotranspiration sont les plus faibles. Ainsi, alors qu’environ 20 à 30 % des précipitations s’infiltrent et rechargent les nappes souterraines sur une majorité de territoires, cette proportion peut dépasser les 40 % sur les massifs montagneux et être inférieure à 10 % sur les zones de plaines ou du bassin méditerranéen. Pour finir, le ruissellement présente une plus faible disparité ‒ 5 à 10 % des précipitations annuelles suivent ce chemin sur la quasi-totalité des territoires. Des proportions plus importantes de ruissellement sont néanmoins retrouvées dans certaines zones montagneuses ‒ conséquence de la présence de reliefs et de faibles couvertures végétales favorisant l’écoulement de l’eau en surface.

Pour illustrer le cas d’un territoire particulier, prenons à nouveau l’exemple du département des Pyrénées Atlantiques (Figure ci-dessous). Cet exemple permet ainsi d’illustrer que, sur le pixel de 8 x 8 km sélectionné, environ 48 % des précipitations sont évapotranspirées (a), environ 39 % s’infiltrent et rechargent les nappes souterraines (b), et environ 13 % ruissellent en surface (c). Ces proportions seront ensuite traduites sous forme de cubes bleus à répartir entre les différents flux lors des ateliers (le total couvrant 100 % des précipitations).

Néanmoins, sur certaines mailles (pixels de 8 x 8 km), il arrive parfois que la somme des proportions dépasse 100 % des précipitations (c’est notamment parfois le cas sur le pourtour méditerranéen). Ceci s’explique simplement du fait que ces flux sont également alimentés par de l’eau provenant d’autres territoires (par exemple du fait de l’arrivée d’un grand fleuve, comme le Rhône), générant des flux “sortants” plus importants que les seules précipitations sur le territoire.

Les chemins de l’eau dans le département des Pyrénées Atlantiques : (a) Evapotranspiration ; (b) Infiltration ; (c) Ruissellement.

La variabilité saisonnière des différents flux d’eau

En hydrologie, les années ne suivent pas exactement les dates du calendrier ordinaire : l’année hydrologique constitue une période de douze mois qui débute après le mois habituel des plus basses eaux. Ainsi, en France, les années hydrologiques commencent généralement le 1er octobre d’une année et se terminent le 30 septembre de l’année calendaire suivante. L’année hydrologique (d’octobre à septembre) peut ainsi être divisée en suivant deux saisons principales : la période hivernale (d’octobre à mars) et la période estivale (d’avril à septembre). Cette partie vise ainsi à observer la répartition de chaque flux en fonction de ces deux saisons. Chaque cartographie représente ainsi la proportion moyenne observée à chaque saison (en rapportant le cumul saisonnier au cumul annuel) . Ici, les cartographies ne servent pas à comparer deux paramètres entre eux mais à voir la répartition entre les saisons au sein d’un même paramètre : si la valeur indique 70 % (de précipitations, d’évapotranspiration, …) sur la période hivernale, cela signifie que les 30 % restants surviennent sur la période estivale.

Par exemple, les précipitations sont généralement plus importantes sur la majorité des territoires durant la période hivernale : dans le cas du département des Pyrénées Atlantiques, 55 à 60 % des précipitations annuelles surviennent ainsi à cette période. L’évapotranspiration, quant à elle, est maximale entre le milieu du printemps et le début de l’automne, car il fait plus chaud, les plantes poussent, et l’activité biologique des sols ainsi que le couvert végétal sont à leur maximum. À contrario, l’infiltration et la recharge des eaux souterraines sont donc très faibles durant la période estivale, alors qu’elles sont maximales durant la période hivernale (lorsque l’évapotranspiration est faible). Dans le département des Pyrénées Atlantiques, entre 65 et 85 % de l’évapotranspiration survient ainsi durant la période estivale, tandis que la recharge des eaux souterraines survient à plus de 75 % durant la période hivernale. Enfin, il est intéressant de noter que les zones montagneuses présentent des proportions de ruissellement et d’infiltration inversées, du fait de la présence d’un manteau neigeux en hiver qui décale dans le temps ces deux processus (voir section suivante).

Il est également important de noter qu’à partir de la période 2010-2020, l’infiltration et le ruissellement laissent apparaitre des formes « particulières » à l’échelle nationale (notamment au niveau du bassin parisien et de la Normandie, ainsi que le long de la vallée du Rhône). Ceci s’explique du fait de l’utilisation d’un modèle d’écoulement souterrain différent (MODCOU) sur ces zones à partir de cette période. Les résultats saisonniers observés sur ces zones ne sont donc pas comparables avec les résultats observés sur d’autres territoires. Pour éviter toute confusion, il peut être préférable, pour l’analyse de la variabilité saisonnière, de plutôt utiliser la période de référence 2006-2015.

Période hivernale (octobre-mars)

Période estivale (avril-septembre)

Le cas particulier du manteau neigeux

Dans certains territoires et à certaines périodes de l’année, une partie des précipitations se font également sous forme solide ‒ neige principalement, bien que les données SIM (Météo France) prennent également en compte les épisodes de grêle (se produisant surtout en période estivale). En survenant sous forme de neige, elles permettent ainsi de constituer un stockage transitoire pour l’eau issue des précipitations (le manteau neigeux) et donc de décaler dans le temps les différents flux : infiltration, ruissellement ou évapotranspiration. Bien entendu, suivant les conditions climatiques locales, ce stockage transitoire pourra être très variable dans la durée : quelques minutes ou heures (si la neige fond presque immédiatement), plusieurs semaines ou mois (si la neige fond au printemps et en été), jusqu’à plusieurs années/décennies/siècles (si la neige s’accumule pour former des glaciers). Ce décalage dans le temps des différents chemins de l’eau issue des précipitations (le ruissellement et l’infiltration en particulier, comme illustré dans les sections précédentes) aura ensuite des conséquences marquées sur l’hydrologie des bassins versants ‒ affectant significativement les débits des cours et les niveaux de nappes.

Cette partie vise ainsi à souligner le rôle que peut avoir ce manteau neigeux dans les territoires concernés. Pour cela, la cartographie proposée vise à rapporter la proportion de précipitations annuelles survenant sous forme solide : à l’exception des massifs montagneux et de la partie nord-est de la France (où le climat est sensiblement plus froid que dans d’autres régions), cette proportion est donc généralement proche de zéro partout. Cette proportion fournit ainsi une information concernant la quantité de précipitations annuelles stockée de manière transitoire sous forme de neige en fonction des territoires et de voir comment elle évolue au cours du temps. Par exemple, dans le cas du département des Pyrénées Atlantiques, alors que dans les deux-tiers nord du territoire (situés sur la côte ou en plaine) quasiment aucune précipitation ne survient sous forme solide, jusqu’à plus de la moitié des précipitations annuelles se produisent sous cette forme dans la partie montagneuse située au sud (Figure ci-dessus). L’intérêt principal de ce type d’information sera de pouvoir ensuite traduire l’impact du changement climatique sur l’évolution de ce stockage transitoire et donc sur l’évolution des débits des cours d’eau et des nappes souterraines durant la période estivale : une diminution du manteau neigeux entraînant une augmentation des débits durant la période hivernale au détriment de la période estivale (accentuation de la variabilité saisonnière des débits des cours d’eau).

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